Qu’ai-je envie de faire de ma vie, au fond ? Cette question s’est imposée à moi alors que, ayant terminé mes études de droit, j’avais travaillé durant un an en tant que juriste chez un promoteur immobilier. Lire tous ces dossiers ennuyeux ne m’épanouissait pas. J’avais le sentiment de partir à la dérive. J’ai alors décidé d’aller marcher, sac au dos, en Asie du Sud-Est. À la recherche de ma propre voie.

« La véritable aventure a été d’investir dans de petites sociétés de microcrédit, sur lesquelles peu de financiers misaient. »
Femke Bos

Personne n’attend son salut les bras croisés

J’ai passé six mois en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande et au Vietnam. Pour la première fois de ma vie, j’ai vu comment les gens se débrouillaient malgré la pauvreté. Personne n’attendait son salut les bras croisés. La plupart dirigeaient leur propre petite affaire, en déployant des trésors d’inventivité. Leur résilience m’a inspirée. Ils savaient comment exploiter le peu qu’ils avaient. « Je dois en faire quelque chose », ai-je pensé. Mais quoi ?

Lorsque je suis rentrée aux Pays-Bas, je suis allée travailler comme gestionnaire des comptes dans une grande banque. J’accordais des crédits à des entreprises et je trouvais intéressant le rôle qu’un banquier pouvait jouer dans leur développement. J’y voyais une dimension sociétale, une manière de soutenir les entrepreneurs. Mais dans cette banque, il s’agissait de faire toujours plus de profit, et rien d’autre. Le contact personnel avec les clients – auquel j’ai toujours attaché tant d’importance – passait au second plan. Confrontée au doute, j’ai décidé de repartir en voyage. Et je suis retournée vers ma très chère Asie.

Faire la différence, positivement
Au Laos, j’ai rencontré un jeune Allemand qui faisait quelque chose d’incroyable : il risquait sa vie, bénévolement, pour désamorcer des bombes. Il avait tellement envie de faire la différence, d’avoir un impact positif. J’ai alors réalisé que je ne voulais plus retrouver le job que j’avais quitté. Je sentais qu’il ne me permettrait pas suffisamment de contribuer à un monde meilleur. De retour aux Pays-Bas, je suis entrée en contact avec la Banque Triodos. Je leur ai raconté mes voyages, mon plaisir de travailler avec des entrepreneurs, mon souhait de contribuer à la société… « Ne devrais-tu pas faire quelque chose dans la microfinance ? », m’ont-ils demandé. Ce fut le déclic. Tout devenait clair tout à coup : c’était la voie que je devais suivre. J’ai donc rejoint l’équipe de microfinance, avec l’Asie comme territoire. C’était là que je devais aller construire quelque chose.

« Il s’agit souvent de femmes dynamiques qui, en travaillant, prennent les choses en main. »

Une pionnière à l’aventure

Et je me suis donc à nouveau envolée vers l’Asie. Le Cambodge, plus précisément. C’était un travail de pionnier. Je me souviens d’avoir donné une présentation alors que je souffrais d’une intoxication alimentaire. Pour assister à l’ouverture d’une agence bancaire, j’ai dû rouler pendant des heures dans un petit bus délabré sur des chemins de terre. J’ai été interviewée par la télévision, couverte de boue. Je me suis même retrouvée dans un champ de mines par accident.
Mais la véritable aventure a été d’investir dans de petites institutions de microcrédit, sur lesquelles peu de financiers misaient. En écoutant les fondateurs de ces institutions et les entrepreneurs qui y avaient recours, j’ai compris que leurs ambitions étaient sérieuses et réalistes et qu’ils avaient besoin de la confiance d’un investisseur tel que nous. J’ai appris que construire une relation d’affaires étroite était une condition essentielle pour atteindre le succès. Et que cela demande du temps.

Dans tous les pays où j’ai voyagé, j’ai eu envie d’investir, pour donner quelque chose en échange de l’expérience fantastique que j’avais vécue. Et cela a fonctionné. Partout en Asie, en Afrique et en Amérique latine, nous finançons des institutions de microfinance et des banques qui marchent bien. Elles prêtent à leur tour de l’argent à quelque 19 millions de petits entrepreneurs qui peuvent ainsi créer ou développer leur société. Elles permettent aussi d’épargner, de transférer de l’argent ou de conclure une assurance.

J’ai rencontré nombre de ces entrepreneurs : des fabricants de bougies aux tisseurs de soie, en passant par des gens qui font à manger dans un camion ou qui tiennent un magasin de vêtements. Il s’agit souvent de femmes efficaces qui, en travaillant, prennent les choses en main et épargnent pour offrir une bonne éducation à leurs enfants. De cette façon, elles lèguent leur succès à la génération suivante. Je comprends d’autant mieux à quel point c’est important depuis que j’ai moi-même une fille. Chacun doit avoir l’opportunité de donner une direction à sa vie. De voguer en suivant son propre cap, plutôt que de partir à la dérive.

CV Femke Bos

Femke Bos est gestionnaire d’un fonds de placement de 350 millions d’euros qui permet de financer plus de 80 institutions de microcrédit issues de quelque 40 pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine. En tant que membre de conseils d’administration, elle contribue au développement et à la stratégie d’institutions au Cambodge et en Birmanie (ACLEDA Bank et Dawn Microfinance).