Jeanne, 80 ans, tient fermement son sécateur et pousse la porte qui ouvre sur le vaste jardin entourant la maison. Elle a la responsabilité d’entretenir les fleurs et ce dialogue avec la nature lui convient parfaitement. Victime d’une hémorragie cérébrale il y a huit ans, Jeanne a dû réapprendre à parler, à marcher, à vivre tout simplement.

Farouchement opposée à un placement en maison de repos, elle a trouvé ici un second foyer, qu’elle fréquente trois jours par semaine. En fin de journée, elle rentre chez elle retrouver son chat, et la vie s’écoule ainsi sans heurt.

Un modèle novateur

C’est la maladie dégénérative de sa grand-mère qui a poussé Catherine Desmecht, infirmière de formation, à créer Au Bonheur du Jour, l’unique centre de jour pour personnes âgées indépendant d’une maison de repos en Wallonie. Une bonne idée, certes, mais difficile à financer.

« Les investissements étaient conséquents puisqu’il s’agissait d’un bâtiment neuf et les frais de personnel sont assez élevés puisque notre centre ne dépend d’aucune structure disposant déjà de collaborateurs. S’agissant d’un modèle totalement novateur, il n’y avait aucune certitude que cela fonctionne ! », commente Catherine de sa voix douce.

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Photos: Olivier Papegnies / Collectif Huma

Son approche centrée sur la qualité de vie de la personne et la volonté de préserver l’autonomie de celle-ci aussi longtemps que possible a séduit la Banque Triodos, qui a accepté de financer le projet en 2007. Le centre a ouvert deux ans plus tard, avec deux premiers pensionnaires. « J’ai démarré toute seule, heureusement aidée par quelques bénévoles », se remémore Catherine.

Aujourd’hui, Au Bonheur du Jour s’appuie sur une équipe pluridisciplinaire de 17 employés (kinésithérapeute, ergothérapeute, psychomotricienne, éducatrices, infirmières, aide-soignante, aide-familiale, animatrices pour seniors, secrétaire, technicienne de surface, chauffeurs, cuisinière).

Les pensionnaires parcourent parfois plusieurs dizaines de kilomètres pour se rendre de leur domicile (ou de celui de l’aidant proche) jusqu’à Soignies tant la demande est grande. Bien que le vieillissement croissant de la population impose de trouver des alternatives au placement en maison de repos, souvent douloureux et parfois inapproprié, ce type d’initiative reste, malheureusement, très peu soutenu par les pouvoirs publics en Wallonie.

« Heureusement, nous pouvons compter sur le soutien de bénévoles et sur les dons de particuliers. Grâce à la plateforme de crowdfunding de Cap 48, nous disposerons sous peu d’un minibus flambant neuf pour véhiculer certains de nos pensionnaires. »

Chacun apporte un peu de soi

« En maison de repos, la personne doit se plier aux règles de l’institution. Ici, c’est exactement l’inverse, excepté, bien sûr, le respect de certaines règles de vie en communauté. Chacun apporte un peu de soi et c’est ce qui enrichit notre quotidien », poursuit la directrice d’Au Bonheur du Jour.

La journée est rythmée par les soins corporels et médicaux, les repas, les siestes, et, surtout, de très nombreuses activités – qui vont des exercices de mémoire aux activités manuelles, en passant par… le yoga du rire, la danse country et les sorties culturelles. Les murs de la salle de séjour, tapissés par les créations des pensionnaires, témoignent de leur créativité !

Une fois par mois, des élèves de primaire d’une école voisine passent l’après-midi au centre. Thème de cette année : Magritte. Seniors et juniors ont donc visité le musée dédié au peintre surréaliste à Bruxelles et développent des activités en lien avec l’univers de l’artiste.

« Ceux que j’appelle mes ‘petits caïds’ sont les plus motivés. Dès qu’ils ont franchi la porte du centre, ils sont doux comme des agneaux », plaisante leur institutrice. En vérité, il suffit de voir la mine réjouie des enfants et de leurs aînés pour mesurer le bonheur de tous.

Travailler en réseau

Comme Jeanne, en charge de la bonne santé des fleurs, chacun des pensionnaires a choisi une tâche à accomplir. Une façon de s’impliquer dans la vie quotidienne de l’établissement, de se sentir (encore) utile. Françoise, une veuve de 70 ans, s’occupe de Jules, le placide lapin qui vous accueille dès l’entrée, et sert le café aux visiteurs, mission dont elle s’acquitte avec le sérieux d’une professionnelle.

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L’équilibre qu’elle a retrouvé grâce à Catherine et son équipe lui a permis de renouer avec ses enfants et petits-enfants. « Nous travaillons en partenariat avec toutes les personnes concernées, la famille bien sûr, mais aussi les aides familiales, le médecin traitant, l’administrateur de biens dans certains cas », explique Catherine.

« Nous ne sommes pas un lieu de transit vers la maison de repos, nous travaillons sur le long terme. Bien avant que la nécessité ne l’impose, je visite des maisons de repos avec la personne concernée, qui arrête ainsi son choix pour plus tard. Un cheminement progressif et paisible… »

Vers le site d’Au Bonheur du Jour

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